Venue de RMS à Toulouse

La genèse secrète

Début 2004, Patrick Labatut, Président du CULTe et Guylhem Aznar, Vice-Président, au cours d'une discussion informelle, parlent de la possibilité de faire venir une personnalité du monde du logiciel libre à Ramonville.

Guylhem est quelqu'un de très actif, entre autre (études de mèdecine, gestion d'une entreprise d'informatique) il est coordinateur du LDP, le projet de documentation Linux (son site web), l'organisme qui coordonne l'écriture des HOWTO.

Ce faisant, il a eu l'occasion de rencontrer es qualité Richard Stallman, l'inventeur des logiciels libres. Il propose donc de l'inviter.

Richard est quelqu'un de très accessible, sur son site web figure son adresse (mail).

De plus il est à Bordeaux pour les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre début Juillet.

Cependant, Ramonville et le CULTe sont de bien petits partenaires pour celui qui a été reçu à l'Assemblée Nationale française. Patrick et Guylhem, pour ne pas se ridiculiser, décident donc de mener les négociations discrètement.

Contre toute attente, RMS accepte. Il faut donc informer le CA du CULTe qui renacle un peu d'être mis devant le fait accompli. Qui plus est, RMS pose ses conditions.

Problèmes et polémique

Il faut dire qu'historiquement Richard Stallman est le premier a avoir mis en route la machine des logiciels libres. J'imagine volontier que la mise en oeuvre de Richard a dû être précédée de discussions entre copains, mais c'est bien Richard qui a, le premier, vers 1986, entrepris la création de GNU (Gnu is Not Unix) et de la FSF (Free Software Fundation).

Encore aujourd'hui, tout le système de base que nous utilisons est formé d'outils GNU. Mais la FSF a été sans doute un peu ambitieuse en ce qui concerne le "noyau" ("kernel"), c'est à dire ce qui fait l'interface entre le système GNU et le matériel (PC ou station de travail).

La FSF a voulu un noyau de très haute volée qu'elle a baptisé "HURD" ("Horde", c'est la Horde de Gnus...). Du coup la mise au point de ce noyau a pris bien plus de temps que prévu et il ne fonctionne encore pas très bien, même si ce sera peut-être (qui sait ?) le noyau de l'avenir.

Entre temps, vint Linus... avec un noyau monolitique, mal programmé, confus... mais de facture classique et donc très vite opérationnel. Au tout début, Linux - c'était lui - n'était pas libre, mais il le devint très vite et connu l'expansion que l'on sait.

Les chemins de la gloire sont impénétrables, et Linux devint plus célèbre que GNU. Pourtant, en nombre de lignes de code, GNU surpasse de loin Linux...

Les américains sont très suceptibles sur plan de l'attribution des droits moraux sur une invention. Vu que dans le logiciel libre ce sont les seuls droits (faute de finances), c'est compréhensible.

RMS considère donc que, si on peut comprendre que le grand public ai du mal à faire la distinction, un club d'utilisateurs doit la faire. On a donc parfaitement le droit de parler (et d'écrire) "noyau Linux", mais on doit écrire "système GNU/Linux".

Il a donc décidé (il y a longtemps) de refuser toute participation à une manifestation "Linux" ou organisée par un "club Linux". Il demande qu'à tout le moins on parle de GNU/Linux et de club GNU/linux.

A vrai dire, au CULTe, il y a longtemps que nous traitons des logiciels libres de toutes origines, les différents BSD libres sont présents depuis le début et ce doit être à la fin des années 1990 que nous avons été parmis les premiers à sortir un CD de logiciels libres sous Microsoft Windows(TM) - c'était la "wculte".

A la création de l'asso, elle s'appelait ANRTT (voir historique). Ce nom a vite semblé mal commode et je ne sais quel hurluberlu (à mon avis à moi, jdd, Décembre 2004 :-) a proposé de l'appeler CULTe.

L'AG qui a voté cette modification a été homérique, les vieux comme moi s'en souviennent encore avec un peu de crainte :-). Guylhem demande encore très souvent qu'un des serveurs du CULTe soit appelé Satan, mais cela a toujours été refusé.

L'ensemble de ces problèmes a été soulevé lors du CA du 5 Juin 2004. (trop) pressé, j'en envoyai le compte rendu le soir même, mais avec une ambiguité qui devait déclencher des polémiques. Le CA avait-il le droit de décider de cette modification (d'après les satuts, il l'avait), était-il acceptable de se "coucher" devant RMS (pour les membres du CA réparer une injustice n'est pas déshonnorant).

En fait (et remarquez que, là, le compte rendu n'est pas objectif, j'accepterai volontier de joindre d'autres avis à celui-ci), à mon avis, il y a eu deux raisons au déferlement de mails que cette décision a entrainée. D'une part les gens ont mal accepté d'être mis devant le fait accompli, d'autre part la personnalité de RMS ne fait pas l'unanimité.

Je dois dire que moi-même (jdd, donc) n'ai été mis au courant de cette affaire que fin Mai, la venue de RMS ayant d'abord, par erreur, été annoncée pour le 10 Juin (au lieu du 10 Juillet). Je n'ai pas trop aimé ca non plus, mais j'ai trouvé l'idée bonne et j'ai ravalé ma mauvaise humeur pour mettre tout en oeuvre pour la réaliser.

Certains ont été si vexés que, par exemple, les administrateurs de Savage se sont mis en grève. Après avoir, dans un premier temps, modifié un peu partout "Linux" en "GNU/Linux", ils ont refusé d'aller plus loin. Pour que la venue de RMS soit annoncée sur le site du CULTe, il a fallu que me soit attribé un accès au serveur et que j'aille modifier tant bien que mal, à la main, les références à l'ancien nom de l'asso.

Un programme à pas variable

Dans le projet initial, il avait été prévu que RMS passerait deux jours, peut-être trois, à Toulouse. Nous savions déjà que RMS, intervenant à Bordeaux aux RMLL devait partir vers Barcelonne et Majorque par la suite.

Les RMLL se terminant le Samedi 10 Juillet (2004), nous l'avons invité pour le Dimanche 11 et le Lundi 12.

Après mures réflexions et discussions, il fut finalement convenu qu'il viendrait seulement le Samedi 10. Une réorganisation ultra rapide du programme fut donc nécessaire.

Nous avions fait cette invitation en collaboration avec les doctorants de Paul Sabatier et la journée se passa donc à l'Université, l'inauguration de notre local, un temps espérée, fut remise.

Au pied levé, un adhérent (FAVDB, pour ne pas le nommer), présent aux RMLL offrit de transporter Richard ; un autre de le loger et de le conduire à la frontière le lendemain matin.

Une personalité attachante

J'avais déjà eu l'ocasion à deux reprises par le passé d'approcher Richard et de discuter avec lui.

Pour ceux qui ne le connaissent pas (vous n'êtes pas excusables de ne pas avoir au moins parcouru son site web), RMS est un homme petit, gros et barbu. Son aspect est plus voisin de celui d'un hippy des années 1968 que d'un cadre de la grande société concurrente :-).

Comme il l'explique lui-même (vous trouverez facilement le texte de ses conférences, en français, en cherchant sur internet), il a longtemps vécu du logiciel libre en adaptant ses produits (il est l'auteur d'emacs) pour de grandes entrerises. Il explique qu'il gagnait assez en trois mois pour mettre de coté de quoi vivre pour l'année, et de quoi mettre de coté pour l'avenir.

Depuis quelques années il parcourt le monde en faisant des conférences pour promouvoir le logiciel libre. Dans le même temps il doit consacrer au moins six heures par jour à répondre à du courrier pour la FSF - même les jours de voyage, même les jours de conférence.

Il suffit de voir son PC portable, un IBM en pièces détachées, sans interface graphique (j'imagine qu'il utilise emacs pour tout) avec juste une liaison internet, vitale pour son travail, pour comprendre que son niveau de vie est très en dessous de la norme américaine.

Quand il est invité quelque part, il fait parvenir à ses correspondants un texte pratique expliquant ses besoins. Je l'ai publié sur Linux-31, vous devriez l'y trouver facilement. En résumé il préfère les chambres chez l'habitant, ne supporte pas les matelas et préfère dormir sur son matelas pneumatique, il ne fait qu'un repas par jour, mais mange pour deux :-). L'été il lui faut la clim dans la voiture. En fait il préfère le train qui lui permet de travailler pendant le transport.

Richars ne milite pas que pour le logiciel libre. Il est prêt à sauter à l'eau pour sauver qu'un de la noyade... si ce n'est pas Bush (ni Kerry, d'ailleurs). Il boit beaucoup de Pepsi Cola - non light, il a besoin de la caféine - et boycotte Coca.

Il est presque toujours au bord de l'épuisement (et du mauvais coté du bord :-(), peut piquer des colères homériques en cas de retard dans l'horaire. Il parle un excellement français, répète inlassablement les mêmes jeux de mots qui font mouche à chaque fois ("Le logiciel libre se définit en trois mots : Liberté, Egalité, Fraternité").

Il est enthousiaste, passionné et passionnant. Quand on le voit on le trouve ridicule, mais après l'avoir écouté deux heures on est convaincu.

Une journée chargée

La journée du Samedi 10 Juillet s'est donc déroulée de la façon suivante :

La veille (:-) nous sommes passés à l'Intermarché de Ramonville faire provision de café et de jus de fruits ainsi que de coca^h^h^h^hpepsi cola, ainsi que pour passer commande des croissants.

L'invitation aux entreprises (cent invitations environ diffusées)

Le 10 au matin, donc, vers neuf heures nous nous retrouvons devant le bâtiment principal de l'Université Paul Sabatier où va se tenir la journée. Devant le bâtiment, puisque la porte est fermée... bien qu'il ai été bien précisé que la mise en place commencait à 8h, l'avis n'est pas arrivé jusqu'au gardien :-(.

Ce n'est donc qu'à 10h, heure prévue de l'arrivée des premiers invités que nous pouvons pénétrer dans le bâtiment. Le café et les croissants sont installés sur des tables dans le hall, toutes les cafetières et les thermos des organisateurs ont été réquisitionnées, nous avons prévu de fournir le petit déjeuner à 60 personnes.

Les 60 personnes sont là, ou à peu près. Le café est bon, les croissants frais. Je suis au service et je n'ai donc pas vraiment le temps d'écouter les conversations. Il y a là des adhérents du CULTe, des doctorants, des universitaires et des membres d'entreprises du domaine du libre.

A neuf heures, nous avons eu un appel de "la voiture de Richard" annonçant un léger retard (prévu) et donc une arrivée vers 11h30. Cet horaire sera à peu près respecté.

A 11h, les participants ont été invités à entrer dans la salle de conférence et nous commencons à "chauffer" la salle. Richard va arriver triomphalement, refuser café et croissant et s'installer à la tribune pour une intervention d'une demi-heure sur les rapports logiciels libres - entreprises.

Après un court débat, vers 13h Richard va retrouver des personnalités politiques autour d'un repas. Je reste pour garder le stand et je n'ai eu vent de ce repas que de façon indirecte, je n'en dirais donc rien (j'attends q'un des participants en fasse le récit).

14h, appel de Guylhem "nous aurons un peu de retard, fais entrer les spectareurs et occupe-les". Sympa, le copain, il n'était pas du tout prévu que j'intervienne ! Du coup comme un vieux grognard (et un prof durci sous le harnais) je me lance, résume l'intervention du matin et j'arrive à durer une demi-heure. Guylhem me rejoint alors et nous nous lançons dans un duo du genre "je ne suis pas d'accord avec vous", "mais si monsieur" dont je rigole encore. Depuis le temps que nous nous connaissons, Guylhem et moi, nous pourrions presque parler l'un pour l'autre, mais l'assistance ne se doute de rien.

15h. Richard revient. Je vais assister le stand boissons. Je n'entendrais rien de son discours jusqu'à ce que j'ai récupéré l'enregistrement audio puis la video de la conférence. Ces enregistrements sont disponibles au local en dvd et en DV pour ceux qui les voudraient. J'ai envisagé déjà de les mettre sur Internet, mais je n'ai pas assez de stockage, Savage ne peut pas servir pour ce genre de chose et, de toute façon, il est assez facile de se procurer le texte des interventions sur internet, sur le site de la FSF. Richard intervient souvent et le texte de ses conférences varie assez peu d'un jour à l'autre.

En fin d'après midi, un pique-nique a été prévu, avec boissons non alcoolisées à volonté fournies par le CULTe. La pluie et le froids, inhabituels pour un mois de Juillet, rendent la réunion sans intérêt, la discussion se prolonge dans l'amphi théatre et du coup nous buvons gratis du jus de fruit à la santé de Richard à chaque réunion :-).

La fin de la journée sera assez dure. Richard est épuisé. La séance de photo finale l'excède et nous avons droit à un bref éclat. Tout s'arrange ou presque quand il prends place dans la voiture de son logeur, direction un appartement sympa dans le vieux Toulouse.

Tout est fini... presque... car il faut encore contacter les amis Espagnols de Richard qui ne savent ni quand ni où ils doivent le récupérer. Internet fait des miracles et bientôt ils sont en conversation téléphonique avec lui et le rendez-vous est fixé au lendemain à Bourg-Madame.

Un bilan assez satisfaisant

La visite a donc été bien plus courte qu'espérée, mais dense et fructueuse. Richard est un vrai "Gourou" (même sans son auréole "qui était un disque dur"), capable de devenir odieux quelques instants, mais le plus souvent bon vivant, gentil, convainquant, passionnant.

Dans les échos que j'ai avoir à la suite de sa visite, plusieurs spectateurs, souvent des universitaires, ont été impressionnés par Richard et la position des Logiciels libres sur Toulouse a été améliorée.

Sur le plan du CULTe, les difficultés internes provoquées par les conditions discutables de la genèse de ce projet ont considérablement géné la médiatisation de l'évènement dont nous n'avons pas bénéficié autant qu'il aurait été possible.

Cependant ces problèmes internes ont quand même permis de clarifier nos positions et c'est toujours positif. Nous n'avons les uns et les autres rien à vendre ni à gagner, du coup nous discutons facilement, mais dans l'ensemble nous voulons tous l'avancée des logiciels libres, de Linux, de GNU et des autres...

Les photos

Yoda était chargé du reportage photo et s'en est très bien occupé. Très bientôt vous trouverez ici un lien vers ces photos.